Mars/Avril


Dimanche 1er mars
Minuit dix. A l'aurore de ce dimanche, je fais le point.
Je déjeune aujourd’hui chez les parents de Kate. Rendez-vous annulé, la semaine dernière, suite à une énorme engueulade dans le couple : cris et casse, la veille de mon invitation.
Les nerfs en pelote, Kate vient passer quelques jours à Pantin. Petite femme dans mon antre, elle m'accueille mercredi soir avec un dîner aux chandelles et des petits plats frais, et amoureusement décorés. Délicieuse soirée.
Je vais voir ses parents pour clarifier plusieurs choses, avec gentillesse mais fermeté. Les sentiments qui me lient à leur fille : pas un coup de queue en passant, mais une véritable envie de construire une vie avec elle. Mon existence et mes choix : le parcours peut-être singulier que j'ai suivi, l'élan, depuis tout petit, vers ma famille affinitaire, mes ambitions pour les années qui viennent. Hors de question pour M. et Mme F. de porter le moindre jugement négatif sur tout cela. Voilà la petite synthèse de ce que j'aborderai.
Du côté pro, mars devrait être le mois de tous les sursauts. Certes le mois de février se termine avec une trésorerie positive, mais l'illusion est très vite percée :
reculer les échéances est un moyen efficace sur une petite période. Le tout est de ne pas se laisser ronger par le fonctionnariat.
Sursaut promotionnel : Martine Dugant et sa bande, grâce à la machine à relier installée mercredi dernier, pourront facturer de nombreuses commandes en attente. Il faut que ce service se secoue les puces.
Sursaut commercial : Michel Leborgne retourne au casse-pipe, et c'est tant mieux pour la société. Deux mois à vide expliquent notre piétinement. Nécessité de faire du terrain pour rendre viable ce service. Dame Cotillon gratte depuis soixante jours et pas un ordre d'insertion n'est passé sur mon bureau. Ce mois est décisif pour la suite de notre collaboration.

Mardi 3 mars
Plus le temps de suivre ma vie au jour le jour. Me voilà contraint de plus en plus au flash-back.
Dimanche, déjeuner chez les parents de Kate. Pas très reluisant, le résultat : énorme déception de ma chérie qui croyait à la grande réconciliation. Je ne me sens aucune affinité avec ces gens. Piètre père qui tremblote à chaque gueulante, tout en masquant ses propres misères. Mère antimaternelle, d'un égoïsme revanchard par rapport à sa fille. Pas gâtée la belle ! Voyons ce que l'avenir nous réserve.
La seru doit remuer ses fondements et grandir. Le chiffre d'affaires stagne depuis quelques mois (autour de 750 000 F) et ceci est dû, notamment, au grand vide qu'est le service commercial.

Mercredi 11 mars
Les journées défilent à une allure insensée. Le parfum des examens, le torrent professionnel et les mignons de Kate me monopolisent. Peu de répit pour les relater ici. Je profite du train corail qui me ramène à Paris pour faire le point.
Vendredi dernier, Kate prend un repas avec Heïm. Occasion pour elle de confier ses problèmes et d'exprimer ses interrogations ; pour Heïm de mieux connaître mon amour. Entrevue très froide, pratiquement tout du long, avec un début de confession vers la fin. En synthèse : effort à faire de ma part pour ne pas lui imposer les choses, mais lui démontrer par l'expérience qu'elles sont bonnes ; pour Kate, réduire son quant-à-soi, s'affranchir progressivement de ses parents et discerner un peu mieux le bien du mal.

Week-end dans la maison de Julie : comme deux tourtereaux enchantés. Petite promenade entre chien et loup dans le parc et ses environs : douceur de vivre sans pareille. Kate, curieuse de tout, me pose mille questions. Nous nous embrassons de-ci de-là, emportés par le charme du moment. Deux jours centrés sur la communion de deux êtres qui espèrent construire leur vie ensemble. Laissons faire le temps pour voir... Samedi, nous fêterons un an d'amour.
La sebm est sur le pied de guerre. Jusqu'alors imprimerie, la structure va prendre son rang éditorial. Nous devons avoir sorti le catalogue à la mi-avril au plus tard.

Jeudi 12 mars
Le centre Saint-Hippolyte m'a montré son gros ventre plein d'étudiants. Venu à 16h30 avec quelques autres pour rattraper un T.D. de droit fiscal des affaires, nous ne parvenons pas à dénicher une salle libre. Le devosien Beynard est navré. Je profite de l'instant pour lui demander de quelle manière on rédige un procès-verbal de liquidation à l'amiable pour une association. L'info gobée, je file me descendre un petit chocolat chaud au café le plus proche. Confortable, je griffonne ces quelques lignes.

La grande parade politique accueille toujours les mêmes pointures. La mixture des régionales mijote pour les services des 22 et 29 mars. La motivation actuelle est de voir le porc puant de Le Pen se balancer au bout d'une corde. Tapie, homme d’affaires au menton enrichi, avait poussé l’anathème jusqu'à traiter les sympathisants de l'extrême droite de « salauds ». Il vient d’ailleurs d’être condamné au versement de quelques francs symboliques. Tous remontés contre le parti populiste du démon borgne, ils craignent de le voir s'emparer de la direction de quelques régions, ce qui serait le signe néfaste d'une ascension, avec, en ligne de mire, les présidentielles de 95, si le vieux Fanfan ne meurt ou ne démissionne pas avant.
L'époque est au léchage des courants écologiques. La publicité, elle aussi, se charge un maximum de verdure, prenant sans hésiter la défense des gentilles froumies. Nos deux figures de proue des mouvements écolos n'ont pas plus d'allure léonine que moi d'œil de lynx.

Brice Lalonde, poilu du crâne comme un lavabo, revendique son indépendance au sein du gouvernement Cresson, assaisonnant son propos d'un « si l'on n'est pas content de moi, on n'a qu'à me virer avant les élections ». Edith est venue calmer le jeu à TF1 pour que le leader de Génération écologie ne s'élève pas au rang de premier martyr vert.
L'Antoine Waechter, frère de sève ennemi, dont la moumoute vient couvrir un chouïa l'occiput, ne brille guère dans son discours. Mettez Le Pen et Waechter face à face, et vous aurez l'illustration des extrêmes dans l'art élocutoire.
Les préoccupations pour une planète saine dans ses entournures, comme dans ses hauteurs, sont légitimes. On peut s'inquiéter d’une multitude de dégradations galopantes. La réaction doit être, avant tout, individuelle. Que ces deux tristes lurons révolutionnent les modes de vie, cela me semble plus que douteux. Par ailleurs, aucun écologiste n'empêchera les catastrophes naturelles de sévir : imaginons que nous jetions nos aérosols et qu’un mégamétéore vienne culbuter notre bonne vieille terre. Mais bon... voyons l'évolution.
Mardi 24 mars
Ceci dit, comme me le suggère à juste titre Alice, ce n'est pas parce qu'un météore peut faire exploser notre terre qu'on doit faire son caca partout.


Mercredi 1er avril
Non, non ce n'est pas un poisson, je me pointe bien pour écrire. Je me dois de faire le tri des choses marquantes.
Comme prévu, les socialistes ont pris une pâtée retentissante, tant aux régionales qu'aux cantonales. Edith Cresson ne va pas faire long feu à la tête du gouvernement qui lui-même risque de prendre un coup de remaniement dans l'ossature. En attendant la fin de Fanfan...
Du 26 au 29 mars : Salon de l'Etudiant. La seru et Edicom ont leur stand (C-26, partie Presse-édition-communication à la grande halle de la Villette). Objectif pour la seru : recruter des conseillers littéraires, des technico-commerciaux et des bilingues. Je suis présent les quatre jours entouré tour à tour de Michel Leborgne, Christophe Rentrop, Alice, Karl et Maddy. Pour Edicom, Sally et Cotillon se partagent le gâteau. Kate vient nous rendre visite avec une copine.
La méthode de travail est simple : une ou deux personnes sur le stand, les autres en vadrouille pour prendre contact tous azimuts avec les écoles de commerce, les universités, les bts divers, les chambres de commerce étrangères, les ministères, etc. La foule vous prend à la gorge, mais il faut poursuivre jusqu'au bout. Le soir, les oreilles sifflent et les jambes flageolent.
Nous ferons le point de tous les contacts pris lundi prochain : de là doivent découler des initiatives pour les relancer. Rebelote l'année prochaine avec, en plus, le Salon du livre.
Arheux n'est pas venu aujourd'hui. Son service a accumulé plusieurs fautes graves. Sa volonté de partir, alors qu'il y a un mois il avait fait promesse de fidélité, ne tient pas.
Hier, Heïm le rencontre et découvre un homme dégoûté de sa personne, honteux et se défendant de tout. Son penchant, ces derniers temps, était de nous angoisser, Alice et moi, sur les échéances. Son rôle consiste en exactement le contraire : trouver les moyens pour que nous soyons à l'aise et que plus un problème de trésorerie ne vienne jeter de l'ombre. Rien n'est facile certes, mais la situation de la Seru est saine : de 764 000F de chiffre d’affaires en février (nous avions commencé à 550 000F en septembre 1991) nous grimpons à plus de 900 000F en mars, alors pas de faux procès Arheux ! Un petit effort de Leborgne et Cotillon et nous l'atteignons les doigts dans le nez notre million mensuel.
Heïm a en projet de constituer un groupement d'intérêt économique qui nous rendrait plus puissant face à l'extérieur. Le nom est déjà trouvé : Emporium Ornicar (l'emporium est un comptoir de vente en pays ennemi). Ce gie pourrait rassembler la seru, la sebm, Edicom, Cormytel, l'Agdn et Mvvme. Je dois m'atteler à décortiquer tous les points juridiques de cette idée. L'objectif est que toutes ces structures confondues réalisent un chiffre d’affaires de dix millions de francs par mois. Atla ! atla !
Ma Kate chérie est toujours auprès de moi. Il faut que patiemment nous comprenions nos défauts réciproques et que chacun s'améliore de son côté. Si la passion n'est pas constante, je crois à un lien très fort. La difficulté est de faire comprendre à Kate le bien-fondé de mes choix. Le temps et l'expérience sont là pour me faciliter la tâche.
Kate, coquette comme pas une, va consulter lundi sa dermatologue pour éliminer tout risque de voir apparaître sur sa peau claire quelques malheureux points noirs. Mardi matin, elle se réveille le visage gonflé et rouge : réaction allergique à la crème. Panique et angoisse, le soir, l'état empirant. Au téléphone, je lui suggère d'appeler un médecin. Elle ne le verra que le lendemain matin. Le diagnostic est confirmé.

Jeudi 2 avril
Fanfan n'a pas perdu de temps. Avec une vivacité de jeune loup politique, il vient de mettre à bas ce matin le gouvernement Cresson et de composer avant minuit celui de Bérégovoy, l’homme aux chaussettes mitées. Le Béré est un fidèle de Fanfan. Présent dès la fondation du PS en 71, il est de ces dinosaures du parti qui rassurent le peuple de gauche avant la chute mitterrandienne. Le pas très urbain Tapie est promu ministre de la Ville. Les incontournables Lang et Dumas poursuivent leurs œuvres dans la haute fonction publique. Il ne reste à ce beau monde qu'une année, avant que la sanction des législatives ne tombe. Pour ceux qui croient au dieu Tonton, un retournement peut se produire. « On peut rêver », nous disait Fernand Raynaud.

Vendredi 3 avril
Arheux s'est défilé. Son service avait accumulé plusieurs erreurs, il avait laissé traîner plusieurs choses urgentes à faire (notamment les tarifs pour la sebm) et il ne trouvait rien de plus accommodant que de nous angoisser à tout va, plutôt que de chercher des solutions et de se battre pour que tout aille mieux. Côté banque, il ne nous a pas décroché un découvert, alors que Alice est sur le point d'en obtenir un pour sa société qui a une situation autrement moins saine que celle de la seru. Lachtouille et incompétent pour résumer.

Lundi 6 avril
Minuit approche. Je viens tout juste d'abandonner Kate à ses songes. Elle rentrait d'un partiel en droit commercial. Son jugement est net : échec. Ma pauvre Kate laisse trop facilement se détériorer sa vie et ses facultés par un psychisme démoralisateur. Nouvelle échéance dans quinze jours : je lui demande de se fixer un planning monacal pour mener à bien ses révisions. Le comble de ses manquements, c'est qu'elle en connaît les causes, mais ne cherche en rien à s'améliorer. Je lui demande de mesurer le poids de chaque décision : le laisser-aller dépressif pour subir son malheur de demain, ou le labeur d'aujourd'hui pour s'assurer la réussite.
Je ne souhaite pas que notre union vive d'éternels recommencements, mais progresse constamment. La confiance absolue et réciproque s'impose.
La Seru bouillonne. Mille choses sont en plan. Demain arrive l'assembleuse Spacesaver et son module agrafage/pliage Kasfold.

Jeudi 9 avril
Hier, de retour vers Paris, je mets à profit ma halte à Amiens. Gros sac à la consigne, je déambule dans le centre commercial près de la gare. Arrêt chez Martelle, sorte de grande librairie-bazar. Arrêt sur les livres du moment. Entre la biographie de la fracassante Madonna et le témoignage scandalous de la frisottée Toya Jackson, je ne déniche rien qui me captive. Le père Vergès nous explique en gros caractère que la justice est un jeu ; Edouard Balladur philosophe sur les modes et les convictions ; le spécialiste ès communication Thierry Saussez établit les apparentements entre Tapie et Le Pen, chacun populiste selon son registre. Je passe sur les mille et un romans pour mouillage en chambre. On se sent bien ratatiné de la plume face à toute cette littérature plus ou moins encombrante. L'écriture devrait être réservée à l'essentiel (j'ai beau jeu !), à l'intelligence du propos, et non aux agitations neuronales. « L'activité occupation­nelle », comme dit Heïm, devrait se situer dans le collage des timbres et non dans le grattage de papier.
Je fuis ces étalages, fonce vers le coin bazar et tombe nez à nez avec un gros pinpin en peluche, grosses oreilles sur les yeux et papattes roses. Ça, c'est pour ma Kate. Petit cadeau du soir, l'aimée fond devant ce lapinou tout doux.

Vendredi 10 avril
19h40. A l'instant, en route vers le château. Une heure avant, j'étais plongé au fond de Kate, propulsé vers des cimes célestes. Le système universel tressaute dans ma poitrine avant d'exploser sans demander son reste. Kate, sauvageonne en soubresauts, aspire son bonheur sans pouvoir contrôler la montée en puissance. Bref : une belle partie de jambes en l'air.
Me voilà mal à l'aise dans un wagon sncf bourré, à l’air nauséabond ; combien je regrette la sueur fleurie de mon aimée.
Ce week-end, salon du livre à Péronne. Je dois m'y rendre avec Alice. Occasion de montrer à la région l’agrandis­se­ment de notre collection.
Vu Jean-Claude Bourret sur la Cinq agonisante. Je me contrefous que cette chaîne disparaisse, mais je salue la fidélité et la détermination de ce journaliste chevronné. Battant dès le début, il est à l'origine de l'association de défense de la Cinq qui compte à ce jour plus d'un million deux cent mille personnes. Dimanche prochain, à minuit, le trou noir aura raison du trou financier. Le personnel a fixé sa veillée funèbre dès 20h50.
Cette chaîne, comme la sympathique Marie-Laure Augry qu'elle abrite encore pour quelques jours, cache ses postiches. Les cotillons de Goude, grand prêtre du relookage de la Cinq, n'ont pu faire oublier la gestion désastreuse de l'entreprise. Le pouvoir socialo n'ayant eu aucun geste bienveillant à son endroit, la loi du marché a joué à plein.
Le soleil est gros et orangé à l'horizon. Après les zones pestilentielles, nous voilà traversant des espaces sains. Quelques bosquets de-ci de-là, et de grandes étendues vertes, blé de demain.
Fanfan mité va bientôt se présenter pour disserter sur le mode choisi en vue de modifier la Constitution. Les accords de Maastricht viennent déranger la loi fondamentale du feu Général, ce qui doit ravir notre Président. Désertant les affaires intérieures, il prend goût à la construction européenne : plus nébuleuse pour ce qui ne touche pas à l’agriculture, plus confortable pour lui.

Dimanche 27 avril
0h07. Prince, Kravitz and Seal éclatent mes tympans, et je me résous en cet horaire de début du monde à faire glisser mon Sheaffer sur ce Clairefontaine quadrillé.
Vacances de Pâques pour les parigots : je profite que la Sorbonne a clos ses lourdes portes pour passer ma semaine en Picardie. Dès lundi, je fonce à la Seru pour réactiver mes dossiers.
Ce jour, passage à la Fnac du forum des halles. Pris au ventre d'une envie de bouquins, je vais fouiner dans les étalages. Pour faire contrepoids aux ouvrages de droit, je m'achète L'état des sciences et des techniques sous la direction de Nicolas Witkowski, et Des ponts vers l'infini - Des mathématiques à figure humaine de Michael Guillen. Je me trouverai bien une vingt-cinquième heure dans la journée pour les parcourir.
Sur le quai du métro, je vois arriver un vieux modèle des années 30, rouge et beau comme un camion. La ratp, qui va bientôt remplacer ses vieilles rames, nous propose de monter à bord de ses reliques. Pittoresque à souhait.

Mardi 28 avril
Heïm reçoit au château Gazel et Poulet, deux compères des PTT, pour mettre les choses au clair quant aux problèmes que nous avons connus avec les postcontacts et pour révéler les crapuleries du ras-de-sol Bousier, parangon du Petit Taré Teigneux.
L'Europe qui se prépare nous réserve de bien mauvaises surprises. L'uniformisation technocratique, le Bien et le Mal imposés sans subtilité et sans prise en compte des singularités de chaque pays : les anti risquent de se chauffer à blanc. Dernière aberration : l'interdiction prochaine de faire couper les oreilles de ses chiens. Imaginez la gueule de nos bergers allemands et de nos bas-rouges. La légitimité de ces apparatchiks est à mettre en suppositoire sans hésiter.

Jeudi 30 avril
Demain matin, je pars avec Heïm, Vanessa, et Hubert visiter le château d'Au que nous allons acheter (...). Pour Hubert et moi, premier contact avec cette propriété « qui nous appelle » comme dit Heïm.
L'effet est paraît-il très étrange : repoussante au premier abord, on est rapidement ensorcelé par son charme et ses accents blessés. Comme un petit, je frissonne d'impatience d'aller fureter dans ses terres et ses recoins.
Je m'occupe actuellement des modalités de constitution d'une SCI, permettant l'achat à long terme, qui sera gérée par Hermione et Sally. Si les travaux sont réalisés comme Heïm le souhaite, dans les années à venir, le château et son domaine seront de vrais joyaux.
Le chiffre d’affaires de la Seru pour le mois évolue correctement : nous allons dépasser le million de francs. Il nous suffirait d'un putain de découvert pour que tout baigne.
Point noir du mois : les rentrées libraires. Ces partenaires commerciaux font un peu partout faillite et ne payent plus. Il va falloir être plus systématique, menaçant dans les relances et adopter de plus en plus la formule du proforma.
Ce jour, une grosse frisottée, puante des aisselles, employée comme conductrice-reprographes sur la Sebm, vient chercher des crosses à Hermione : elle prétend que les employés ont droit à un pont par an, qu'ils peuvent choisir, et qu'elle a bien la ferme intention de ne pas être là en fin de semaine prochaine.
Informé, j’effectue quelques recherches et lui fais renifler le néant légal : les ponts ne sont pas réglementés, et en cas d'absence de dispositions dans la convention collective, la décision appartient à l'employeur. La grosse est partie d'un rire jaune désa­busé.
Le nain gras Bouvard et le petit bout Dechavanne conduisent ce soir une émission sur le petit écran. Le principe : inviter quelques vieilles personnalités de la tv pour visionner avec eux leurs premiers pas dans la petite boîte. Les hôtes du jour : Pivot, Bellemarre, Martin et surtout la bruyante Evelyne Leclercq. Rarement une animatrice se sera montrée sous un jour aussi défavorable. Elle aurait pu remplacer une bonne poignée de caissières d’hypermarchés du cher Edouard. Il reste à déterminer si l’âge seul est en cause ou si cette vulgarité obéit à des lois plus immanentes.
Hormis cette fausse note, l’émission tient toutes ses promesses et les animateurs sélectionnent parfois de croustillants morceaux : Pivot, le gentil garçon, recevant Bukowski face à un Cavanna agacé de trouver plus incontrôlable que lui. Le pondeur des Mémoires d’un vieux dégueulasse, l'air crapule, s'enfile trois bouteilles avant d'être sorti, titubant, du plateau littéraire.
Jean-Edern Hallier piégé par Le Petit Rapporteur qui lui envoie deux faux journalistes, Daniel Prévost et Pierre Desproges : les deux compères s'engueulent et finissent par se retourner des torgnoles pour enfin se rouler par terre. Hallier leur lance, dans un sursaut d’à-propos : « Relevez-vous messieurs, un peu de dignité ».
Après douze heures de train, Kate est arrivée ce soir à Lavelanet chez ses grands-parents. C’est le jour de son anniversaire : je lui avais fait envoyer quelques roses rouges.

Aucun commentaire: